DU PAIN POUR MON AME

27 juin 2006

Ressusciter

J'ai passe le week-end chez Debbie. Dans la bibliotheque j'ai retrouve ce livre. Je le lui avais offert il y a trois ans, pour son anniversaire.
Je le lis. Je ne m'en lasse pas. C'est un tres beau livre. Un livre tres juste.
Je le relis.
Et soudain, cette phrase :
"L'exuberante floraison du magnolia dans les derniers jours de mars est ce qui ressemble le plus au coeur des saintes".

26 juin 2006

des instants de joie pure

Je travaille beaucoup, je suis preoccupee, tendue et j'ai le sentiment que mon cerveau ne s'arrete plus de fonctionner... Je m'endors d'un seul coup, tard souvent. Mon sommeil est agite de reves etranges et compliques et je me retrouve au reveil a gerer encore et toujours les difficultes professionnelles des jours precedents comme si cela ne devait jamais avoir de fin. Je travaille vraiment trop en ce moment.

Au milieu de toute cette agitation, au coeur meme de cette lourdeur, des instants de joie pure.

Samedi soir j'ai rejoint Dewey et Aurore. Cela faisait un moment que je n'avais pas passe un week-end avec eux : ils ont eu beaucoup de visiteurs, ce qui m'a de mon cote permis de souffler un peu et de voir d'autres amis.

Dewey m'avait prepare un de mes plats favoris. Dans la maison flottait une jolie petite joie toute legere. La table etait dressee, des amis etaient reunis, le diner etait delicieux. A 22hoo nous sommes descendus chez des voisins fermiers - Rose dont j'ai deja parle et les siens. Ils avait dresse un immense bucher dans le jardin, et un buffet de gateaux et bonnes bouteilles sous le preau. Dewey a joue de la vielle et nous avons danse autour du feu une danse dont on se demande encore qui des adutes ou des enfants l'entrainaient si follement ! Ce fut une bien jolie fete de la Saint-Jean, la premiere pour moi !

Dimanche. Le sermon du Pasteur semble n'etre qu'a moi destine. Je suis touchee. J'y pense encore... Aurore rentre de la repetition du ballet, coiffee comme une princesse, avec autant d'etoiles dans les yeux qu'elle a de paillettes scintillantes sur les cheveux ! Hugh a passe le week-end avec nous, c'est un ami de longue date que j'avais perdu de vue et que je retrouve avec bonheur. Dewey et moi parlons beaucoup, prlons vrai, cela aussi n'etait pas arrive depuis des semaines, c'est un cadeau inestimable. Je le regarde. Son visage a change. Ses traits son plus doux. Je le sens plus en paix, et d'ailleurs il l'exprime. Nous nous sommes occupes des factures, il a ri, il a donne de lui, il m'a ecoutee, il m'a prepare de nouveau un de mes plats favoris, il m'a dit merci.

Oh ! Mon Dieu, comme je suis heureuse de tout ce que j'ai vu. Des mots des Dewey, de ses actes, de son apaisement. J'ai donne, sans rien attendre en retour. J'ai donne meme si ces dernieres semaines j'ai si peu recu. Et ce que j'ai recu hier c'est la plus belle des recompense : la paix de cet homme, sa joie, son merci qui me montre qu'il est de nouveau capable de donner, donc de recevoir. Pour la premiere fois depuis des annees j'entrevois pour lui l'esperance d'une vie meilleure et ca me rend tellement heureuse ! Il est en train de renaitre, c'est merveilleux d'en etre temoin.

Oh ! Mon Dieu, comme je suis heureuse de ce que j'ai recu ! Le plus beau, le plus doux, le plus emouvants des cadeaux de ce week-end c'est celui-ci :
21h. Il est plus que temps que je m'en aille. J'ai encore une bonne heure de route. Je sens qu'Aurore n'a pas envie que je m'en aille. Elle m'evite, elle boude un peu pour une broutille, elle me tourne autour... Petite fille fiere et pudique... Je vais la voir et je lui dit que je reviens vendredi, que je serai la pour son spectacle de danse samedi prochain. Elle tape des mains, et son petit visage s'illumine. J'ai envie de la prendre dans mes bras. Je ne le fais pas, je sais qu'elle n'aime pas si ca ne vient pas d'elle. Je lui fais un signe de la main, je lui dit "A samedi Aurore !" et je m'en vais. A peine arrivee dans le jardin, je l'entends derriere moi : "Attends ! Attends !". Je m'arrete, je me retourne, elle est sur le seuil. Dans sa petite main un des ses tee-shirts qu'elle a attrape en passant et qu'elle me tend en m'expliquant : "tu sais, ton ours, le grand, celui qui est tout doux, tu lui mettras ce tee-shirt. Moi aussi j'ai un ours mais il est trop grand pour que je lui mette. Tiens !".

C'est son cadeau pour moi. Sa facon de me dire son amour. Mon petit ange... Mon coeur fond d'amour, il n'est plus qu'une chose toute molle au fond de moi...

Ce matin je me suis reveillee tres tot - c'est rare ! J'avais besoin de dire merci.

13 juin 2006

joli week-end

La maison du bonheur...
La maison de la joie, de la douceur, de l'amitie.
La maison de Benjamin et de Blott.
Merci.
Pour tout ce que nous avons partage.
Merci mon Ben pour ta main tendue, pour tes bras grands ouverts .
Merci pour l'eau fraiche du Mignon et sa petite chanson enchantee,
pour les draps blancs dans la chambre chaulee habillee de silence,
pour diner sur le sable et le rire des enfants,
pour la lune doree qui eclairait nos confidences,
et l'ombre de l'orangerie et la nacre bleutee des coquillages,
pour le rubis du vin au fond du joli verre a pied,
pour le miel et le pain savoures sous le noyer,
pour la rose fragile aux blondes etamines qui lentement se fane dans son carafon.
Merci pour tout cela,
et pour tout le reste aussi.

09 juin 2006

lettre a Sophie

Il y a un trou dans ma vie. Un vide. Un manque. La mort de Debbie c'est un basculement de ma realite dans une autre realite qui est devenue la mienne. La mort de Debbie a genere des remous... Je ne reconnais plus tout a fait ma vie, car elle n'est plus la meme. Je n'y suis pas encore adaptee, et je dois admettre que je resiste, que je n'ai pas envie de m'y adapter. Pas deja, pas tout de suite. Sans doute parce que cela signifierait accepter l'inacceptable : la mort d’une personne que j’aime. Je n'ai pas tout a fait accepte, c'est ca.

Je ne me reconnais plus tout a fait non plus. Car ce que j’ai vecu m’a changee.

Mes relations a autrui ont, par ricochet, ete affectees par ces changements. Et notemment ma relation a Sophie. Ma copine de toujours, celle qui refuse qu’on parle de nous deux en disant « meilleure amie ». On se connait depuis presque 20 ans. On en a partage des fou-rires, des betises, des larmes, des confidences... On a partage tant de moments… Mais voila, il y a eu les longs mois de la maladie de Debbie, ces mois ou je lui ai donne presque tout mon temps libre. Et puis il y a eu les semaines qui ont suivi sa mort, ces semaines ou, si on ne venait pas me chercher, je n'allais vers personne car j'avais mal, et tout ce qui etait etranger a Debbie m’etait insupportable. Il y a eu enfin ces dernieres semaines, celles qui ont suivi le retour de Dewey et Aurore des USA. Ces semaines je les leur ai totalement consacrees car, pour des raisons propres a chacun de nous, nous avions besoin les uns des autres. Depuis des mois donc je ne suis plus une "bonne" amie, ni pour Sophie, ni pour personne d'autre. Je vis un peu recluse, c’est vrai. C'est comme ca. Je sais que ca passera, meme si j'ignore quand ca passera. Et Sophie s’est sans doute sentie abandonnee.

Au cours de ce "voyage" avec Debbie et les siens, qui a dure 4 ans, j'ai change, et c’etait inevitable. Et ce changement est bien plus profond qu'il n'y parait car c'est aussi au cours de cette periode que j'ai dit oui a Jesus. Aujourd’hui, tout ce que je fais, j'essaie, avec les moyens qui sont les miens, de le faire en accord avec la vie et l'enseignement de Jesus. Parce que c’est en agissant ainsi que je suis le plus en accord avec moi-meme. Je n’y parviens pas toujours, mais j’essaie. Parmi ceux qui me sont proches, il n'y a pas de Chretiens, a part Debbie et les siens. Et ce n'est qu'avec Debbie que j'ai pu partager pleinement ce grand bouleversement qui m'arrivait, cette rencontre avec Dieu par Jesus.

Sophie que j’ai delaissee me fait des reproches. Alors, parce que j’esperais qu'elle comprendrait ce que j'ai traverse et traverse encore, je lui ai permis de lire mon blog. Sa reaction m'a etonnee et blessee. Elle a realise a quel point j'ai change. Et elle m’ecrit qu'elle ne me reconnait pas, que j'ai triche, menti sur ce que je suis. Non Sophie, je n'ai pas menti, je n'ai pas triche. J'ai essaye de te parler de mon cheminement spirituel, je t'ai dit que je participe activement au parcours Alpha, mais tu n'aimes pas que j'en parle, tu n'aimes pas les "bondieuseries". Je t’ai aussi beaucoup parle de Debbie, j'ai tente de t’amener a elle, et Debbie aussi l'a voulu, tu le sais bien. Mais tu as refuse, tu as eu peur. Et, comme j'ai respecte ton refus de Dieu, j'ai respecte ta peur du cancer et de la mort.
Oui je me suis eloignee. Mais je ne t’ai pas tenue a l’ecart, je ne t’ai pas empechee de me suivre, je t’ai au contraire invitee a le faire.

Tu m’ecris que tout est lourd avec moi. Sans doute tu as raison. Je porte ces tragedies que tu connais : les violences dont j’ai ete victime, la desertion de ma mere, l'assassinat de mon frere, la schizophrenie de mon pere, le cancer puis la mort tout recente de Debbie, la solitude, le manque d’amour... Tout cela et le reste, que tu sais parce que je te l’ai confie. Comment faire pour etre legere ? Je ne sais pas. Si seulement je savais... si seulement je pouvais deposer tout ce poids et trouver l'insouciance...! Je ne suis pas lourde par choix. Ce n’est pas une coquetterie intellectuelle. Je fais ce que je peux pour essayer de comprendre ce que je vis avec l’espoir de parvenir a le depasser. Je fais ce que je peux pour essayer de m’en sortir. Ne m'en fais pas reproche.

Si avec moi ce n’est pas leger, c’est aussi que je refuse de rester a la surface des choses. Je cherche a comprendre, cela m’aide a accepter. Tu sais cela, depuis longtemps. Et quand je sens qu’a ton tour tu ne vas pas bien, je ne peux pas te laisser dans ton mal-etre sans rien tenter. J’essaie de te faire parler, j’essaie de t’aider a trouver une issue. Mais jamais je ne te force. Je respecte ton choix quand tu choisis le silence. Je respecte tes pudeurs, et tes refus. Je ne t’agresse pas en voulant a tout prix te sauver. Je ne montre pas du doigt chacune de tes erreurs. Je ne condamne pas. Mais parce que tu es mon amie je ne peux pas ignorer que tu vas mal quand je le vois. Je t’en parle et te laisse decider si oui ou non tu veux en parler. Mais c’est vrai que je ne fais pas semblant de n’avoir rien vu. Alors oui, a ce titre, notre relation n’est pas une relation legere. Car, quoique tu fasses, je devine que derriere les apparences il y a tout ce qui n’est pas dit... Et je crois que dire aide.

Oui j’ai change. Et toi aussi tu as change. Mais nous avons change differemment l’une de l’autre. C’est comme ca. Ce n’est de la faute de personne. C’est comme ca, c’est tout. Ne nous en faisons pas grief.
Non je ne t’ai pas menti. Non je n’ai pas fait semblant d’etre quelque d’autre. J’ai change et tu ne t’en rends compte qu’aujourd’hui. C’est triste.

Non je ne t’ai pas trouve chiante. Non je ne pense pas que ta vie est une petite vie, que tes soucis sont des soucis de merde. Non je ne trouve pas que tes histoires sont des histoires a la con, non je ne considere pas tes angoisses comme des angoisses debiles. Tous ces mots ce sont les tiens, pas les miens.

Oui je veux toujours avoir raison. J’ai toujours ete comme ca, et c’est bien malgre moi.

Oui je suis sure de moi souvent. Trop parfois, comme pour compenser toutes ces annees ou je me vivais comme une moins que rien.
Mais tout cela tu le sais. Du moins je croyais que tu le savais.

Que tu me reproches d’etre ce que je suis me blesse profondement. Si tu me reproches quelque chose que je fais, alors je peux tenter de defaire, de refaire, de reparer. Mais je ne peux pas defaire, ni refaire, ni reparer ce que je suis. Ce que je suis resulte de ce que j’ai vecu et des choix que j’ai fait. Et meme si je le pouvais je ne reviendrais pas en arriere. Car je suis aujourd’hui bien plus en accord avec moi-meme que je ne l’ai jamais ete. La tristesse passera, diminuera avec le temps. C’est tout ce que je ne veux pas garder de ce chagement que tu as percu.

Je ne t’enverrai pas cette lettre. La tienne me fait me sentir condamnee d’avance. Si tu viens encore lire ce blog, alors tu la liras peut-etre. Elle a sa place ici parce qu’elle raconte l’un des remous que la mort de Debbie a souleve dans ma vie. Meme si au fond de moi je sais bien que sa mort n’a fait que reveler un changement qui s’est amorce il y a bien plus longtemps que ca.


J’ai du chagrin Sophie. Parce qu’il n’y a pas de solution. J’ai perdu Debbie. J’ai aujourd’hui le sentiment que je te perds.

02 juin 2006

sans masque

Quand on est, comme je l’ai ete, temoin d’une grande souffrance tant physique que morale, et pendant si longtemps, on n’en sort pas indemme. Cela nous renvoit a notre propre fragilite, a notre propre finitude. J'ai accueilli cette souffrance et je me suis ouverte aux questions qu’elle soulevait. J’ai regarde Debbie se debattre entre la douleur, le desespoir et la peur. Je l’ai vue peu a peu se depouiller de tout le superflu qui encombre nos vies. Je ne trouve pas les mots…


Dans les dernieres semaines qui ont precede sa mort tout l’inutile avait disparu. Tout ce qu’elle avait garde etait essentiel. L’amour, le respect, la compassion. Economie dans ses gestes, dans ses propos. Verite dans ses regards. Humilite dans ses demandes. Elle se montrait telle qu’elle etait, sans tricher, sans jouer. Toute sa vie a ete cela : se depouiller. Depuis ses annees d’adolescente fiere et orgueilleuse, jusqu'a ce jour ou humblement elle m’a laissee l’aider a s’essuyer, simplement parce qu’elle ne pouvait plus le faire toute seule. C’est cela que j’admire, cette humilite. Cette humilite qu’elle a d’abord choisie, au faite de sa beaute. Cette humilite qu’elle a ensuite acceptee aux heures les plus dures de sa souffrance. Elle etait digne, et humble. Quelle lecon ! Je l’ai regardee vivre, et se battre, et souffrir. Et j’ai compris que j’avais encore beaucoup a apprendre. Que moi aussi il me fallait me depouiller. Non pas parce que Debbie l’avait fait. Mais parce que c’est mon chemin.


Je me suis construite en ajoutant des couches et des couches censees me rendre plus intelligente, plus drole, plus attractive, plus attachante, plus performante, plus…
Je veux vieillir en enlevant ces couches. Je ne veux plus etre "plus". Je veux etre moi, me montrer telle que je suis, et m’accepter ainsi. Je veux pouvoir dire la verite, je veux pouvoir l’entendre. Je veux, a l’heure de mourir, me trouver aussi nue que lorsque je suis nee. Sans appret, sans masque, nue telle que Dieu m’a faite.