DU PAIN POUR MON AME

16 janvier 2007

Mon Dieu,

Il me semble tres injuste de ne t'ecrire que lorsque ca va mal. C'est pourquoi je t'ecris aujourd'hui, parce que ca va bien. J'ai retrouve le gout des petites choses qui font mon quotidien : me lever, me laver, cuisiner, faire la vaiselle, ranger au fur et a mesure, tous ces gestes qui me coutaient tant que pendant des mois je renaclais a les accomplir, me contentant du strict minimum. Je vais bien, je fais ce que j'ai a faire, de mon mieux, et je me sens tres soulagee.

Seigneur, je te rends grace. Parce que tu es reste. Tout ce temps-la tu etais la, a me tendre la main, a chuchoter a mon oreille, a m'attendre. Tu es reste pres de moi, tu ne m'a pas lachee, tu ne m'as pas brusquee. Merci pour la joie et la paix, merci pour l'esperance, merci pour le reconfort.

Un matin je me suis levee et je me suis dit : je demande beaucoup de choses au Seigneur, je prie pour beaucoup de gens autant que pour moi-meme, donc je lui parle souvent. Alors, comment se fait-il que je continue a trouver notre relation si pauvre. Et la reponse m'est venue, toute simple : parce que moi je ne fais rien pour Lui. Je lui demande beaucoup, mais qu'est-ce que moi je Lui donne ? J'ai pense a Debbie, a des gens que j'aime et qui m'aiment et j'ai realise que d'eux je recois et qu'a eux je donne. Bien sur, il ne s'agit pas de tenir la comptabilite de nos echanges. Les relations que nous avons s'equilibrent naturellent car elle sont fondees sur un va et vient constant du don. Je ne me suis pas dit que je devais faire quelque chose pour toi pour que tu m'aimes plus, ni pour te recompenser de ce que tu fais pour moi. J'ai eu envie de faire quelque chose pour toi parce que je t'aime et qu'il ne me suffit plus de te le dire. Alors je suis allee prier avec mes freres car la ou deux ou trois sont reunis en ton nom, tu es au milieu d'eux. Et je voulais etre la, faire l'effort de me lever tot pour aller rencontrer ceux qui te louent et ainsi te rencontrer, faire l'effort de depasser ma timidite et aller dans un groupe constitue ou je ne connaissais personne. Par ceux que j'ai rencontres tu m'as recue en amie et j'ai ete encouragee a revenir.
Je t'ai expose un de mes desirs et tu l'as exauce : aujourd'hui je fais partie d'un petit groupe d'etude biblique et je suis tellement contente. Je decouvre un peu plus ta parole Seigneur, et meme si je ne comprends pas toujours tout, elle m'apporte beaucoup. Hier j'ai porte contre mon coeur la Bible que je venais de m'offrir, depuis la librairie jusque chez moi. J'etais si heureuse que les gens me souriaient dans la rue ! Je te l'ai dit, je ne comprends pas toujours tout, mais la seule proximite de ta parole me procure une joie inattendue, une sensation de presque plenitude.

Mon Dieu, comme je t'aime ! Je t'aime, meme quand je trebuche. Je t'aime, meme quand je doute. Je t'aime, meme quand je me tiens loin de toi. Je t'aime, tu es la source de ma vie, la source de ma joie.

Je veux continuer a faire quelque chose pour toi, comme un cadeau que je t'offre. Je choisis de temoigner de ta presence dans ma vie. Je choisis d'etre moins tiede lorsqu'il s'agit de parler de toi. Je t'aime, alors je peux arreter de t'aimer dans l'ombre comme si je devais en avoir honte ! Qu'est-ce qui est plus important ? Ce qu'on pourrait penser de moi si je dis que je t'aime et que je veux vivre en fonction de toi, ou bien ce que moi je pense de moi-meme a chaque fois que je refuse d'assumer ce que je vis ? Qu'est-ce qui est mieux ? Vivre une demi-vie en n'etant que la moitie de moi-meme a chaque fois que je suis avec d'autres, ou vivre pleinement ce que je suis et ce que je crois, sans te trahir ? Bien sur, je connais deja la reponse. Apres tout ce que tu as fais pour moi, je te dois bien ca : je veux te sortir de l'ombre ou je te maintiens, je veux avancer dans le temps qu'il me reste a vivre en t'ayant a mes cotes et en ne te cachant plus.

Je t'aime Seigneur.

11 décembre 2006

de l'amour

En réponse à NicO qui ce matin ecrit ceci : "... je ne voudrais pas vous parler de don mais de réception. Saint Jean de la Croix disait : "A la fin, nous serons jugés sur l'amour". Non pas sur l'amour que nous avons donné, mais sur l'amour que nous avons accepté de recevoir. Car l'amour nous est offert. Mystérieusement. "Tout est grâce", disaient Thérèse de Lisieux et Augustin. Tout est offert. Savons-nous recevoir ?"

Il y a quelques jours nous j'ai eu avec des amis une conversation houleuse qui a failli mal tourner... Voila comment ca a commence : Morgane a dit qu'elle voulait faire du theatre pour etre aimee ! Bien sur c'etait une boutade. Elle admet qu'au fond elle aimerait bien que tout le monde l'aime, mais elle sait que ce n'est pas possible, la-dessus elle n'a aucune illusion. Quand elle a dit qu'elle voulait etre aimee, Jamal a pris les choses au premier degre : il a dit qu'il faut arreter de vouloir etre aime, qu'on y perd son temps, son energie, sa vie. Ce a quoi j'ai repondu qu'on ne peut pas etre aime de tous mais qu'on ne peut pas vivre sans amour. J'ai affirme que j'ai besoin d'etre aimee, que ce soit par un homme, une amie, un enfant... J'ai affirme mon besoin de recevoir l'amour de l'Autre. A partir de la, nous avons nage en pleine confusion ! Jamal et Morgane parlaient de reconnaissance, je parlais d'amour. Jamal et Morgane parlaient du sentiment amoureux, je continuais à parler d'amour. Jamal a dit qu'il fallait que je devienne adulte - sic - que je cesse d'être naive - resic - que j'arrete de croire a cette illusion qu'est l'amour, que j'arrete d'attendre, que l'amour c'est une prison, que de toute facon ca ne dure pas, qu'il faut au contraire se centrer sur soi, sur son evolution, parvenir a se detacher du besoin qu'on a de l'autre ! Nous ne parlions plus du tout de la meme chose, nous ne parlions plus la meme langue, nous ne nous comprenions plus. Il elevait la voix, je me suis sentie agressee et jugee, j'ai eleve la voix a mon tour... Ouh la la !!! Et comme on sentait que ca prenait une vilaine tournure, chacun a pris sur soi et on a fini par changer de sujet. Mais la soiree avait pris une drole de tonalite...

Le lendemain et les jours suivants j'ai beaucoup reflechi au "pourquoi" de cet incident. Et j'ai realise que nous ne mettons pas tous la meme chose dans ce mot : amour. Souvent le besoin d'amour est en fait le besoin d'etre reconnu, valorise. Souvent nous attendons de l'autre qu'il nous repare, qu'il nous donne ce qu'il nous manque - jusqu'a l'estime de nous meme parfois ! Dans ces conditions le besoin d'amour peut en effet representer un danger : celui de se mettre en situation de dependance a l'autre avec toutes les derives qui peuvent en decouler.

Ce que je voulais dire c'est que nous avons tous besoin d'amour, qu'on l'admette ou pas, parceque ce besoin est non seulement legitime, mais aussi parce qu'il est intrinseque a notre nature. Pour moi, se refuser a l'amour, sous pretexte qu'il peut nous atteindre la ou nous sommes le plus faible, c'est se refuser a la vie. Oui, je crois qu'a la fin de notre vie nous serons juges sur l'amour, sur celui que nous aurons donne ET sur celui que nous aurons recu. Je veux me laisser aimer malgre mes failles, avec elles. Je veux croire que je suis digne d'amour et me laisser aimer à la manière d'un enfant qui ne se pose pas de questions et recoit l'amour comme il recoit sa nourriture. Je veux me laisser aimer, recevoir l'amour sans y mettre de conditions, pour qu'a mon tour je puisse aimer pleinement.

Je sais, dit comme ca ca ressemble a une image d'Epinal, ca a l'air trop beau pour etre vrai, trop parfait pour etre realisable ; le Candide de Voltaire aurait presque pu tenir ce discours ! Pourtant je n'en demors pas. Je sais que l'amour seul justifie la vie. Et meme si je n'arrive pas bien a recevoir l'amour, et que je le ne donne que tres maladroitement, je ne veux pas renoncer. Dusse-je vivre encore 60 ans et arriver tremblante et peut etre meurtrie au seuil de ma vie, je souhaite ne jamais renoncer a l'amour.

Ce qui est drole, c'est que le lendemain de cette soiree pour le moins animee, j'etais sortie dans la rue prendre une pause clope. Passe une petite mamie. Elle s'arrete a ma hauteur et telle la voix de ma conscience me dit a quel point le tabac est nocif. Je resume ses propos : elle me dit que je suis jeune, et belle, que ma vie merite mieux cette pollution qui peut deboucher sur un cancer, sur un drame... Et ce disant, elle plante ses bons yeux clairs dans les miens. Et puis elle me dit qu'elle sait qu'elle se mele de ce qui ne la regarde pas, que j'ai le droit de l'envoyer paitre ailleurs, mais qu'elle ne peut pas passer simplement son chemin ! Elle dit qu'elle s'appelle Maiza, qu'elle ne sait pas si je suis croyante mais qu'elle va prier pour moi, pour que je me libere de cette dependance. Et la-dessus elle me fait une grosse bise de grand-mere et elle s'en va. C'est pas de l'amour ca ? Si ce n'en est pas qu'on me dise ce que c'est ! Je n'ai pas arrete de fumer mais qu'est-ce qu'il etait bon ce petit intermede ! Qu'est-ce que c'est bon de recevoir !

Bien sur je fais le lien avec mon histoire avec Debbie. De toute ma vie je n'ai rencontre personne qui sache aimer comme Debbie aimait, qui sache donner comme Debbie donnait. Je l'ai deja dit, pendant des annees Debbie m'a aimee, c'est moi qui resistais. Je ne comprenais pas qu'elle puisse m'aimer. Pire, je ne comprenais pas qu'elle puisse aimer d'autres ET moi, qu'elle puisse donner autant d'elle-meme a chacun. Je trouvais ca suspect, un peu trop chretien. Je me disais qu'elle "s'achetait" une bonne conscience. Quand elle est tombee malade et que j'ai realise qu'elle avait besoin d'aide, je me suis dit que je devais l'aider parce que j'avais du temps et parce qu'elle avait essaye de m'aider a une epoque ou je n'allais pas tres fort. A ce moment-la, je donnais de mon temps, pas de moi. Et je ne recevais surement pas ce que donnais Debbie. Il m'a fallu vivre 5 ans a ses cotes, etre temoin de sa souffrance, pour petit a petit ouvrir mon coeur. Debbie m'a d'abord appris a recevoir. Ensuite seulement j'ai appris a donner.

Cela ne fait pas de ma vie un long fleuve tranquille ni de moi une sainte aureolee, oh non ! Cependant, je goute la joie de recevoir et celle de pouvoir dire merci. Merci pour l'amour recu, merci pour l'amitie, pour la beaute du monde, pour la richesse des gens toujours et malgre tout !

07 décembre 2006

l'espace d'une seconde...

Hier matin, des le reveil j'ai allume une bougie. Je l'ai eteinte en partant travailler. Je l'ai rallumee au travail. Je l'ai remplacee lorsqu'elle etait consumee. Je l'ai ramenee a la maison ou elle a brule jusqu'a ce que je me couche... Toute la journee une petite flamme a danse pour Debbie. Je sais qu'en Californie au moins une autre bougie a brule pour elle tout le jour. De meme en Georgie. Je me prends soudain a rever d'une multitude de petites flammes dansant doucement un peu partout pour elle, pour honorer sa memoire... Je ne sais pas si d'autres l'ont fait.

Hier matin j'etais plutot joyeuse et le suis restee toute la matinee. Hier apres midi Phyllis et moi avons pleure ton absence. Hier soir la joie etait revenue. Elle est toujours la ce matin, comme un papillon leger et multicolore. Mon coeur est une montgolfiere gonflee d'amour. Je crois que si j'inspire trop profondement je risque de decoller ! Debbie je t'aime. Je sais que tu es la, quelque part, probablement pas tres loin. Je sens bien que tu nous aimes, que tu veilles sur nous, que tu nous veux heureux... Depuis cette nuit je ressens ta presence, c'est a peine croyable ! Tu me "parles" du dedans de moi-meme et je sais que c'est toi. Ce ne sont pas des mots, ni des sons... Je dirais que je t'endends penser... Il n'y a pas de doute c'est toi, moi je ne pense pas comme ca. C'est fulgurant mais c'est indubitablement toi. Tout ensemble je recois ton amour et ta joie, et l'espace d'une seconde je percois l'Eternite. Et mon etre se dilate et s'emplit de joie, mes inquietudes disparaissent, d'un seul coup et pour quelques secondes je sais que tu es vivante, qu'apres ma mort je le serai aussi, que ca ne sert a rien de s'inquieter, que rien de tout ca n'est grave, que je peux avancer joyeuse et sereine parce qu'au bout du chemin il y a la joie sans fin pour des etres sans limites... C'est difficile a decrire, pourtant j'en ai besoin, tu me connais, ma maniere d'apprehender la vie c'est d'y mettre des mots. Ca ne dure pas longtemps mais la joie que je recois a ce moment-la laisse en moi une impression forte qui elle resiste au doute. Lorsque mon cerveau se remet en marche et me prouve que justement on n'a jamais prouve que rien de tout cela existe, quand je me mets a penser que je delire et prends mes reves pour des realites, quand je me mets a voir tout ce que je n'ai pas, tout ce qui me manque, tout ce qui me blesse et m'alourdit, la joie demeure, inexplicable, inexpliquee. Alors je m'incline, j'accepte de n'etre qu'une petite chose ignorante et bornee qui a quand meme recu la joie et ne sait pas pourquoi. Et la petite chose que je suis deborde de gratitude.

05 décembre 2006

nous avons un an

17h30. Il a plu toute l'apres-midi, et bien sur je suis rentree trempee. Et transie. Fatiguee aussi. La journee de travail a ete un peu rude. Besoin d'une pause avant de ressortir. Parceque je vais ressortir, meme si je n'en ai pas franchement envie. Ce soir je suis invitee a diner. J'enleve mon manteau mouille, je me mets a l'aise. J'ecoute mes messages, heureusement je n'ai pas besoin de rappeler. Je m'installe sur le canape, j'allume la tele. Et puis non, ca ne va pas, ce n'est pas de ca dont j'ai envie. Je l'eteins. J'eteins aussi la lumiere ne laissant qu'une petite lampe diffusant une douce lumiere orangee. En me rasseyant je me dis que ce serait chouette d'allumer une bougie. Alors je me releve, j'allume une bougie et la pose devant moi sur le verre de la table basse. Puis je m'etends. J'ecoute. Silence. Et rythmant le silence, le tit-tac du reveil quelque part dans la piece. J'ecoute le silence, j'entends la pluie sur les ardoises du toit, et dans le lointain les pneus des voitures chassant l'eau sur l'asphalte. Et soudain je me souviens. Il y a un an j'etais assise a la meme place. Il pleuvait aussi et j'avais allume des bougies pour egayer le matin blafard. Je m'en souviens parce que je l'ai ecrit. Deux jours plus tard Debbie mourrait.
Bien sur, je n'ai pas oublie que demain ca fera un an. J'y pense meme beaucoup. Ce qui m'etonne ce sont ces gestes que je n'avais pas premedites et que je viens d'accomplir, avant l'anniversaire de sa mort, et qui ressemblent tellement a ceux que j'avais accompli il y a un an, avant sa mort. C'est etrange.
Tu me manques Debbie. A l'ecrire les larmes me montent aux yeux et ma gorge se serre. Tu me manques tellement, tellement... Parfois, je pense a toi tout a coup et c'est si intense que je m'etonne ensuite que tu sois toujours morte. J'ai tout cet amour qui est le tien dans mon coeur. Ce qui est dommage c'est que le doute m'habite, tu sais ce que je veux dire. Ma Debbie.

30 novembre 2006

Naima et Abdoul


Abdoul, l'homme du desert, heureux et genereux


la maison de Abdoul et Naima



Naima, discrete, douce, genereuse.

Naima sort de son vieux sac a main un peu dechire, un peu cabosse, ses tresors de fille : un vieux miroir et son khol qu'elle partage volontiers. Elle plonge a nouveau la main dans le sac noir en simili-cuir et en ressort deux bagues de pacotille qu'elle nous tend : "cadeau" dit-elle. Mon coeur se dilate. A l'abri du regard des hommes, dans sa modeste maison de pise, Naima a enleve le voile qui d'ordinaire recouvre sa tete et cache sa nuque, son cou, ses epaules. Elle accepte de bonne grace ce qu'elle avait refuse a l'exterieur: qu'on la prenne en photo. Naima est belle, Naima est timide. Nous ne parlons pas la meme langue et nous nous comprenons. Dans le ventre de Naima grandit son troisieme enfant. Six mois nous fait-elle comprendre. Elle lui donnera la vie dans cette maison.
Je ne sors pas indemne de cette rencontre, et c'est tant mieux.
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sur la dune, la joie !

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